Danser jusqu’à en mourir
En 1518, à Strasbourg, une épidémie de danse se propage dans les rues et force la population à danser jour et nuit. Retour sur un phénomène invraisemblable, mais pourtant vrai.
- Écrit par : Hélène CORSO
- 13/11/2024
Le contexte désespéré de 1518
L’année 1518 à Strasbourg s’inscrit dans une période particulièrement sombre. La ville est frappée par une convergence de catastrophes qui plongent la population dans un désespoir profond. Voici les principaux fléaux qui accablent alors la cité :
- Une succession d’épidémies dévastatrices : peste, choléra, lèpre…
- Une famine terrible qui pousse certaines familles à des actes désespérés
- Des catastrophes météorologiques
- Des bouleversements religieux avec l’émergence d’une nouvelle religion
- Des phénomènes inexpliqués comme des naissances multiples de siamois et notamment la probable chute d’une météorite près de la ville.
La propagation d'une transe collective
L’épidémie débute en Juillet 1518, rue du Jeu des Enfants, avec une femme nommée Frau Troffea. Celle-ci se met à danser frénétiquement, jour et nuit, jusqu’à avoir les pieds en sang. La « contagion » se propage rapidement. Son mari et les autorités tentent en vain de la raisonner, mais rien n’y fait. Le phénomène prend rapidement une ampleur inquiétante. En une semaine, 34 personnes la rejoignent dans cette transe mystérieuse. Et ainsi de suite, jusqu’à la fin de l’épidémie, près de 400 personnes seront touchées. En l’espace de quelques jours, le « mal dansant » se propage comme une traînée de poudre.
Face à ce phénomène inexplicable, les médecins de l’époque diagnostiquent un « sang trop chaud ». Et au lieu de préconiser des saignées comme cela aurait été le cas à l’époque, les autorités prennent une décision qui s’avérera désastreuse. Plutôt que d’arrêter les danseurs, elles encouragent le mouvement. Des musiciens sont engagés pour accompagner les malades, et des espaces sont aménagés pour faciliter leur danse. Les danseurs sont cachés afin de ne pas répandre cette épidémie.
Un cas isolé ?
L’épidémie de danse de Strasbourg, bien que spectaculaire, n’est pas un événement unique dans l’histoire médiévale. Entre 1200 et 1600, une vingtaine d’épisodes similaires sont documentés en Europe. Ces manifestations collectives, souvent associées au culte de Saint-Guy, touchent principalement les régions rhénanes. Cependant, l’épisode de Strasbourg reste le mieux documenté et le plus important en termes d’ampleur, avec près de 400 personnes touchées.
La fin mystérieuse de l'épidémie
Pour mettre fin à cette hystérie collective, les autorités changent finalement de stratégie. Les malades sont envoyés en pèlerinage à Saverne, pour prier Saint-Guy, protecteur des malades de chorée. Des messes et rituels sont mis en place, afin de sauver les danseurs torturés. Progressivement, le phénomène s’estompe, laissant derrière lui de nombreuses victimes d’épuisement et probablement de crises cardiaques (aucun cas de décès n’a été rapporté dans les écrits).
Maladie psychiatrique ou réel mystère ?
Les explications modernes de ce phénomène sont multiples et font encore débat dans la communauté scientifique. Certains chercheurs évoquent une hystérie collective, catalysée par les conditions sociales désastreuses de l’époque. D’autres suggèrent une intoxication à l’ergot de seigle, un champignon parasite aux propriétés hallucinogènes qui se développe sur les céréales en conditions humides. Une troisième hypothèse met en avant un possible trouble dissociatif collectif, une réponse psychologique à un stress social extrême.
Cette épidémie de danse soulève des questions fondamentales sur la nature de la conscience collective et notre vulnérabilité aux phénomènes de masse. Elle nous rappelle que même les comportements les plus irrationnels peuvent trouver un terreau fertile dans des sociétés fragilisées par les crises. Cinq siècles plus tard, le mystère de la danse de Strasbourg continue de fasciner et d’interroger notre compréhension du monde et de ses mystères.
Ces réflexions sont le fruit de mon vécu et de ma perception du monde. Je vous invite à partager vos critiques constructives, car ensemble, nous enrichissons notre compréhension mutuelle. Votre perspective compte autant que la mienne.